Nouveau terrain de jeu
Chère famille, chers amis, ça continue. Chapitre d'un autre pays, nouveau et inconnu...
PETIT SAUT DE LÀ À LÀ, QUELQUES KILOMÈTRES ET TOUT À FAIT AILLEURS
Pas très sûre de l'arrêt de train pour l'aéroport à Bangkok. Dire bien haut qu'on est paumé (y'a pas de honte). Ça permet de multiplier les avis, ce qui peut se révéler utile. Dix personnes vous hurleront en cœur de sortir du train en arrivant à ladite gare.
Dans l'avion mon voisin sort tout droit d'un manga. Incohérence de la petite chemise, du pantalon droit et des baskets colorées. Il fait des bruits bizarres, exactement comme les onomatopées japonaises des bouquins; on se demande s'il se racle la gorge ou émet un son de mécontentement ou exprime de la satisfaction. C'est très drôle, j'ai du mal à rester polie.
OH! ENCORE UN AILLEURS
Le premier soir à Yangon sous la pluie, j'ai failli de faire assommer par un parapluie qu'une femme jetait à la tête de son mari en l'engueulant.
En Asie, ce sont les femmes qui portent la culotte (d'ailleurs les hommes sont en longyis, sortes de pagne, des jupes quoi...).
Le premier matin j'ai acheté un parapluie, c'est mieux qu'un k-way. Et oui, c'est la saison des pluies, je me suis pris de bonnes grosses saucées mais jamais elles n'ont entravées mes activités (oh! du zèle littéraire tiens... mais c'est sorti tel quel dans ma pensée).
Il y a dans les rues de Yangon, une boue vraiment noire, de composition inconnue. Personne n'est obligé de marcher dedans. Moi je l'ai fait, dès ma première sortie et puis encore après.
J'ai visité une synagogue très jolie où j'ai appris qu'il y avait environ vingt juifs dans tout le pays. Ça ne fait pas beaucoup.
Il y a eu beaucoup d'immigrants indiens et chinois pendant la colonisation britannique puis japonais lors de l'occupation japonaise. Et ça se voit dans la rue et sur leurs visages métissés. C'est étonnant.
J'ai vu un homme faire pipi contre une voiture. Apparemment c'était la sienne, je l'ai vu plus tard la laver amoureusement comme un banlieusard nord-américain. Peut-être marquait-il son territoire.
J'aurais pu épouser un chauffeur de taxi. Il voulait me laisser son numéro parce que j'avais les yeux brillants.
J'ai visité une pagode très rigolote et une autre très imposante. Parfois, les gens dans les temples m'intéressent plus que le temple lui-même. Ce sont presque des lieux de vie, les gens viennent y prier, y papoter, s'y assoir à l'ombre.
J'ai vu une jeune femme réciter une prière en la lisant sur son téléphone. Technologie et dévotion ne sont donc pas incompatibles.
En Asie les gens ne sont pas très grands mais c'est là que j'ai vu les plus grosses bestioles. Les plus gros cafards, les plus gros geckos, les plus gros rats (quoi que tous écrasés à Yangon), les plus gros serpents. Mais dans le train il y avait une petite souris.
Chaque pays a ses propres règles pour traverser, mieux vaut observer les locaux pour les appréhender. Au Vietnam par exemple, il y a beaucoup de motos et de vélos donc il faut avancer tout droit, lentement mais sans s'arrêter; ceux sont eux qui vous évitent. À Bangkok, pas le choix, sur les grandes artères, il faut prendre les passerelles. À Yangon, pas de motos mais des voitures qui ne s'arrêtent pas ni ne ralentissent; dès qu'il y a un petit espace il faut avancer, s'arrêter avant de se faire écraser par la file suivante puis courir pour terminer enfin sa traversée. Mon côté parisienne hardie me fut utile.
CE QUE L'ON SAIT, CE QUE L'ON VOIT
Tout m'étonne mais rien ne me surprend. Cette phrase me tournait en tête alors j'ai essayé de comprendre pourquoi. Je suis étonnée de tout, parce que rien ne ressemble à ce que je sais normalement des choses du monde dans lequel je marche. Je ne suis surprise par rien, parce que chaque pièce d'étrangeté forme un tout cohérent, un monde qui est simplement tel qu'il est. L'étonnement convoque chez moi une perplexité joyeuse. D'étonnement on écarquille les yeux, on reste bouche bée, on fait un pas vers l'avant ou au pire on reste sur place; l'étonnement nous ouvre. La surprise nous fait sursauter et même lorsqu'elle est heureuse, le moment où le corps est pris par surprise, le sang va vite, fait trois tours plutôt qu'un seul, on ressent une petite peur, une petite chute, on défaille un peu. Avant de s'ouvrir on se rétracte. Alors peut-être que le mouvement qui se déploie suite à la bonne surprise est plus intense, plus hors du commun et mémorable. Mais j'aime le côté paisible de la joie qui se déroule dans l'étonnement.
Je parle beaucoup de joie, d'amusement. Bien sûr, il n'y a pas que ça.
La Birmanie n'est pas vraiment un pays qui va bien même si c'est un pays qui va mieux. Il y a eu et il y a encore beaucoup de douleurs: la colonisation britannique, l'occupation japonaise, des désirs d'indépendance farouches, fermes et ensanglantés, la démocratie sans cesse violée par le pouvoir militaire, la désillusion et la décrépitude. Il y a toujours des batailles himalayennes à mener pour faire bouger les statues lestées de décorations militaires, il y a des conflits ethniques féroces, du mépris collant entre les communautés, la violence de la vérité et de la supériorité religieuse.
En Birmanie, à la frontière du Bengladesh, vivent les Rohingya, communauté la plus opprimée du pays et, selon les Nations unies parmi "les minorités les plus persécutées du monde". Ils sont quelque 800 000 musulmans, certains ont des papiers d'identité mais pour tous les autres (qui sont beaucoup), le gouvernement leur refuse la nationalité birmane. Le Bengladesh, dont ils seraient issus, les rejette aussi. Ils forment une communauté d'apatrides, un peuple de répudiés.
En Birmanie, une loi sur le "droit de manifester" impose un cadre tellement stricte qu'un rassemblement non autorisé de deux personnes est illégal.
En Birmanie, en 2012, la censure préalable des médias mise en place en 1962 a été abolie mais le pays se classe 151e sur 179 nations sur l'index de la liberté de la presse.
Et voici seulement quelques miettes du paysage de ce pays qui tente de se remettre debout et de se reconnecter avec le reste du monde.
Mais si je parle de joie et de douceur c'est qu'elles existent aussi, malgré tout et bel et bien. Et quand vous venez d'ailleurs, on vous l'offre. L'étonnement est transversal, la curiosité fait des aller-retours. Vous ne vous sentez pas nécessairement bizarre "chez vous" et voilà que l'on vous dévisage en rigolant, que l'on parle de vous en regardant comment vous êtes foutu, que l'on s'esclaffe quand vous ouvrez la bouche. C'est un peu désarmant, il ne faut pas être parano mais c'est un bon exercice d'humilité. Il n'y a ici rien de méchant, simplement vous êtes exotique, vous êtes un étranger, une étrangeté.
MARCHER DANS UNE BD
Avant de partir j'avais lu la BD "Chroniques birmanes" de Guy Delisle. Je connaissais d'autres de ses bouquins mais pas celui-ci, c'était l'occasion. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Guy Delisle est un dessinateur québécois et c'est grâce à lui que j'ai compris le fonctionnement de la Sainte Trinité (dans "Comment ne rien faire"): si vous prenez un walkman, Dieu est la musique, le Saint-Esprit le câble et Jésus les écouteurs. Mais passons. Sa femme travaille pour MSF et il la suit en mission et il dessine ce qu'il voit. Il y a les Chroniques de Pyongyang, de Jérusalem et les birmanes. Voilà pour la minute conseil culturel. Donc donc donc. J'ai retrouvé en arrivant des trucs exactement pareils comme: bétel, supermarchés, escaliers et sacs plastiques...
BÉTEL: les birmans chiquent du bétel à longueur de journée. Dans la rue, les petits kiosques avec de quoi chiquer se succèdent. Je n'ai pas réussi à soutirer à qui que ce soit la composition exacte de la chose. Les vendeurs étalent une feuille de bétel la recouvre d'une fine couche d'une espèce de colle blanche (une partie du mystère) et déposent au centre des "ingrédients" (la grosse partie du mystère non élucidé). Je sais qu'on y met du tabac, je crois qu'on peut y ajouter une "saveur" mais laquelle et sous quelle forme, ça je ne sais pas. D'après ce que j'ai vu, le fourrage de la feuille de bétel compte au moins trois éléments. Puis le vendeur fort agile et incroyablement rapide replie la feuille comme un petit chausson carré.
Ensuite, zouh! dans la bouche le petit paquet vert, et mâche mâche mâche, et chique chique puis crache crache crache! Parce que la feuille de bétel fourrée mâchouillée pendant environ un quart d'heure produit un jus rouge-marronnasse ou disons bordeaux, c'est plus chic, qu'il ne faut pas avaler. Or la fatalité buccale implique que ce qui ne peut être avalé doive être recraché. Ainsi en va-t-il du jus de bétel. Au niveau sonore, ça n'est pas inintéressant. Au niveau visuel non plus. Parce que c'est assez impressionnant la quantité de jus expulsée. Au moins ça n'est pas visqueux. À Yangon, le macadam est constellé de traces de crachats rouge-marron (non, bordeaux j'ai dit, c'est plus chic).
Vous vous souvenez de "Beetlejuice" de Tim Burton? Il a les dents un peu crades n'est-ce pas? Et bien, ça c'est Hollywood et c'est joli.
Les chiqueurs de bétel sont très troublants à regarder. Ils ont la bouche toute rouge. Et les mâchouilleurs de longue date ont aussi le tour de la bouche rouge, la couleur coule, encre la peau et s'ancre là. Et les dents aussi sont rouges. Les birmans étant très sympathiques, ils sourient beaucoup, toutes dents découvertes. Enfin quand je dis "toutes dents", c'est pas faux mais il serait plus juste de dire "tout ce qu'il reste de dents". Et parfois c'est peu. Surtout les gens âgés, qui sont âgés à 40 ans parce que la misère abîme. On vous offre un grand sourire de fin de combat de boxe, fait de trois dents et d'une bouche qui semble ensanglantée. Ça donne un peu envie de rire parce qu'il y a quelque chose de surnaturel dans cette vision. On m'a proposé plusieurs fois d'essayer mais j'ai trop peur pour ma teinte dentaire...
SUPERMARCHÉS: dans sa BD, Guy Delisle se demande pourquoi il y a deux vendeuses par rayon. J'adore les supermarchés à l'étranger. On comprend plein de trucs sur la façon de vivre des gens; ce qu'ils mangent, quels sont les produits de base et les produits de luxe (dont des produits tout pourris de marques française vendus à des prix décadents), les produits de beauté qu'ils utilisent (ils ont du savon pour augmenter la taille de leur pénis les coquins!), les vêtements qu'ils portent, et la vaisselle et les outils de cuisine. Bref, à l'étranger, je kiffe les supermarchés, c'est fascinant et plus intéressant que bien des musées. Et là, j'ai failli avoir un fou rire: il y a bien deux vendeuses par rayon. Et non seulement elles sont deux mais elles ne font rien. Je ne dis pas qu'il faut absolument que les gens "servent" à quelque chose mais là, leur fonction est complètement mystérieuse. Elles ne rangent pas les rayonnages, ne parlent pas aux clients, ne parlent pas entre elles, elles sont juste "là". Même dans les mini épiceries, l'arabe du coin en français ou le dépanneur en québécois, ils sont cinq! Peut-être est-ce une solution anti-chômage efficace.
ESCALIERS ET SACS PLASTIQUES: dans la BD on voit que les escaliers sont très étroits et très raides. C'est vrai, c'est raide. Et en Asie on aime bien la douceur de vivre et on se fout des plans nationaux de santé qui préconisent de monter les escaliers, d'autant plus si on est chargé comme ça on dépense plus de calories. C'est là qu'interviennent les sacs plastiques... De toutes les fenêtres, on voit pendouiller des fils qui arrivent à hauteur de tête avec, au bout, soit une pince soit un sac plastique. En fait, c'est pour monter ses courses! L'autre soir, je buvais une bière sur le balcon de l'hôtel avec deux mecs. L'un est américain, prof d'anglais, et vient d'arriver pour enseigner pendant un an à Yangon. L'autre un yogi anglais de Manchester, qui depuis dix ans passe six mois par an en Inde pour prendre ou donner des cours de yoga et le reste du temps il voyage là où il a une possibilité d'enseigner. Il passe parfois chez lui à Noël. Il était à Yangon pour refaire son visa indien. Donc nous buvions une bière quand Tchotch(?) nous interpelle d'en-bas. Lui, c'est un bon édenté rougeoyant, un chauffeur de taxi très rigolo qui est toujours devant l'hôtel et qui est toujours heureux de papoter un peu. "Hé! Ça va? Vous avez besoin de quelque chose?" Ah bah tiens, il tombe à pic, on vient de finir notre bière. Et hop, ni une ni deux, on monte le sac plastique, on met des sous dedans, Tchotch les prend, va deux portes plus loin dans le petit magasin, achète une bière, la dépose dans le sac plastique, on tire le fil et hop, ni une ni deux, on a une nouvelle bière fraîche. Si c'est pas génial ça! Et apparemment c'est commun; si t'as la flemme de descendre et que tu vois un gamin désœuvré qui squatte le trottoir en bas, tu l'envoies en mission et ça t'évite de te taper tes quatre étages à pic... Quand on regarde les rues de Yangon avec tous ces fils qui pendouillent, on a l'impression que la ville entière est une grande fête foraine où tous les habitants jouent à la pêche aux canards.
MIEUX QU'UN PETIT TRAIN DE FOIRE
Les trains birmans sont les plus drôles du monde.
Je voulais absolument voir le Rocher d'or, un gros rocher doré qui tient miraculeusement sur le bord d'une falaise, un pied dedans un pied dehors. L'équilibre précaire serait rendu possible grâce à un cheveu de Bouddha caché dans le petit chapeau pointu que l'on voit au faîte des pagodes. Les hommes ont le droit de rajouter des feuilles d'or dessus, pas les femmes. De toute façon, je ne l'aurais pas fait, avec ma maladresse, j'aurais été capable de faire tomber le caillou.
Cet endroit n'était pas le plus logique à visiter question itinéraire mais j'avais envie d'y aller. Il y a toujours lors de mes voyages un endroit "pas logique" qui m'attire alors je ne me prive pas. Et tant mieux, c'est un bel endroit.
Pour s'y rendre, il fallait prendre un train pendant cinq heures. Pour cinq heures ça va, je commence à me préoccuper de l'état de mes fesses au bout de six ou sept heures. Et puis la hausse de confort obtenue en "upper class" ne vaut pas toujours la hausse du tarif. Donc ticket "lower class". Le début a été un peu douloureux. L'histoire de la bière qui monte toute seule au balcon, c'était la veille. Mais avant le balcon nous étions allés dans un bon bar local, collant, enfumé et dans lequel j'étais encore une fois la seule femme. En Birmanie, ils aiment bien la bière et ils ont même de la bière à la pression. Nous avions bu de la ABC, une stout locale, un peu style Guiness en plus sucré et sirupeux. Et quelle traîtresse! Je n'ai pas tellement bu, c'était tout à fait raisonnable et j'étais au lit à 23h30 (ceci dit, c'était un record d'alcoolémie depuis la retraite et un record d'heure de coucher également). Et le lendemain, ahhhhh, j'ai marché comme une ombre vers mon train de 7h du matin. J'ai bu un horrible café surlacté sursucré. J'avais l'impression qu'un aigle immense m'avait saisi de sa serre et me tirait la tête. J'ai bien cru que j'allais régurgiter mon café. Auquel cas, me disais-je, les fenêtres et les portes du train sont grandes ouvertes et la couleur et la quantité de mon café ressemblera fort à un crachat de bétel. Mais j'ai dormi, comme tout le monde d'ailleurs, couchée position fœtale sur le banc à lamelles de bois (comme dans les parcs) faisant face à une dame couchée comme moi, le nez dans son panier de légumes (les sièges se font face comme dans les carrés SNCF). Quand j'ouvrais l'œil c'était pour rire un bon coup et ça m'a passé ma gueule de bois.
Ailleurs en Asie, les trains sont déjà assez marrants. Tout le monde essaie en vain de trouver une position confortable, se penche par la fenêtre, s'assoit sur le marchepied, des vendeurs ambulants grimpent comme des sauvages à chaque gare pour vendre qui du maïs, qui du curry, qui du café, qui des ananas, qui des fritures... Il y a cependant un problème majeur; ceux qui prennent le train d'assaut à une gare X vendent tous la même chose et ceux qui surgissent à une gare Y vendent autre chose mais tous la même également. Donc si tu as faim mais qu'à la gare Z, tu ne peux acheter que des brochettes frites alors que tu rêves de mangue verte au piment et bien tu es dans la mouise...
Ici, d'autres vendeurs entrent dans la danse. Il y a eu un vendeur d'huile genre Tiger Balm et deux ados qui vendaient des chemises (l'un très pro débitait un discours très rodé me semblait-il, en hurlant dans un mégaphone). Et il y a eu mon préféré, je l'ai vu avec ravissement à l'aller comme au retour, un vendeur d'une lotion encore une fois camphrée comme celle du tigre mais lui, oh lui, il portait un serre-tête avec un micro qui transformait sa voix en ajoutant un effet de réverbération très stylisé. On aurait dit Dieu qui, au lieu d'annoncer le jugement dernier pour nous faire peur, vendait de la lotion pour articulations grinçantes. C'était merveilleux. Quant à sa mixture, je l'ai testée parce qu'il passe dans le couloir pour mettre une goutte de potion magique dans les mains de chaque client potentiel. Et c'était un peu bizarre, comme s'il y avait du sable dedans, un peu comme un gommage. Mais ça devait être un bon produit, le moine assis en face de moi en a acheté une bouteille.
À mon retour, l'employé de la gare voulait absolument me vendre un billet "upper class", prétextant que "lower class is dangerous!"; c'est peut-être dangereux pour mes lombaires mais si le train déraille, les riches comme les pauvres y passent... Mais que le train soit dangereux, ça je n'en doute pas un seul instant. Jamais, de tous les trains de partout, je n'ai expérimenté un trajet si cahoteux. Il y a des portions de route si irrégulières que l'on décolle littéralement de son siège (moments où je rêve d'être enrobée avec un derrière moelleux). Et parfois c'est latéral, on se croirait sur un bateau, ça tangue tellement qu'on songe malgré soi au déraillement. Mais j'ai toujours aimé les montagnes russes. Je me suis même dit qu'il me fallait faire tous mes trajets en train mais cela impliquerait des trajets de vingt heures avec des transits nocturnes de quatre heures dans des gares paumées (et oui, j'ai regardé) alors je vais être raisonnable, je prendrai aussi le bus.
CHAMBRE FROIDE EN MOUVEMENT. Y AURAIT-IL DES CADAVRES À CONSERVER DANS LES SOUTES À BAGAGES?
J'ai donc pris le bus, de nuit, entre Yangon et le lac Inlé. Bus "normal" et non pas "VIP", c'est à dire avec sièges inclinables plutôt que sièges couchettes. Encore une fois, j'étais la seule blanche de la cargaison, ce qui est le cas quand on prend des transports locaux comme tout le monde. Ça fait son petit effet. Au moins comme ça, je sûre qu'on ne va pas m'oublier dans un resto de bord de route. Très chic quand même ce bus, une petite bouteille d'eau, un petit gâteau et une couverture en polaire pour survivre à la clim. Je sais que je vous parle souvent de la climatisation mais c'est un sujet important. D'habitude je caille à mort mais les gens du coin, eux, semblent trouver ça super. Mais dans ce bus, tout le monde était frigorifié. L'un avait son anorak capuche relevée, un autre un bonnet, un autre sa couverture en polaire sur la tête comme une vieille mamie qui mendie dans la rue, l'hiver, à Paris. Le bus n'étant pas plein et nous avons tous récupéré une seconde couverture. Alors pourquoi pourquoi mais pourquoi tant de haine? Mystère.
Le truc bien en Asie c'est que l'on mange tout le temps et que par conséquent, les pauses pipi-frichti sont fréquentes. C'est rassurant pour les angoissés de la vessie comme moi. Et puis, sortir du bus, ça permet de se réchauffer.
Nous sommes tombés en panne à deux heures du matin. Le chauffeur et son collègue semblaient un peu paniqués mais après d'intenses trifouillages de moteur nous sommes repartis.
C'EST UN JARDIN, EXTRAORDINAIRE
SONGEAIS-JE AVEC LE FOU CHANTANT DANS LA TÊTE
Me voilà donc près du Lac Inlé, un lac immense avec des marchés dans les villages au bord de l'eau, des monastères sur pilotis et pêcheurs qui tiennent leur pagaie par la jambe. Je pensais enchaîner sur un truc qui me plaisait bien mais qui s'avérait être long et compliqué en version low-cost ou très cher en version rapide. Et puis je suis arrivée ici, dans une guesthouse au prix tout à fait raisonnable, qui ressemble à un petit paradis, avec un jardin qui déborde de fleurs, une chambre grande et claire dont la fenêtre donne sur un monastère. Les hébergements étant chers en Birmanie, les dernières nuits n'était pas grand luxe (ni petit luxe). Au bout d'une heure, après le premier petit-déj d'hôtel à faire sourire le ventre, j'ai couru à la réception pour demander une nuit de plus.
POIDS TOUT RELATIF DU TEMPS TOUT RELATIF
Voilà voilà j'en suis là. Je suis partie depuis à peine un mois et il me semble que ça fait un très long longtemps... Et à chaque mail je me dis que je n'ai pas fait grand chose, rien que quelques petits jours sur cette route mais finalement, les quelques petits pas se révèlent bien plus grands que je ne le pensais...
Il paraît que chez vous c'est la canicule alors j'espère que vous n'en souffrez pas trop et que même tout transpirants, vous allez bien.
Je vous embrasse,
Valentine
PS: bien sûr, j'ai pour vous des illustrations fixes et animées mais internet rame tellement ici que ça attendra un prochain lieu plus connecté...