Un gros début parce qu'après je ne parlerai plus (rien qu'un peu)
AVERTISSEMENT
Avant ce qui va suivre et tout d'abord, bonjour chers amis et chère famille.
Bon, ça y est j'y suis! Certains m'ont demandé des nouvelles, pour d'autres, en donner est une initiative personnelle. Certains ont suivi de précédents voyages, d'autres pas. Alors je renouvelle les conditions générales d'utilisation.
Si j'encombre votre boîte mail, vous me le dites et je vous libère sans me vexer.
Si vous voulez tout lire, lisez tout, en une ou plusieurs fois, auquel cas vous aurez peut-être en double des bouts de récit à mon retour mais comme je bouge beaucoup les mains et les sourcils quand je parle, ça peut être distrayant malgré tout.
Si vous ne voulez pas tout lire, ne lisez pas tout, le rapport à la lecture est une chose intime et il n'y aura pas d'interro écrite ou orale à la fin. S'il traîne ici ou là quelque référence personnelle à l'un ou l'autre et que vous ne comprenez pas, ne vous en préoccupez pas.
Je ne vous promets rien.
Certes, c'est à vous que j'écris et je préférais vous raconter les choses un peu "bien", mais voyager comme je l'aime est une plongée en pleine subjectivité. Dans mon monde quotidien, parfois je ne comprends rien et ça ne va pas, parce que je me dis que je serais censée comprendre. Ailleurs, c'est très relaxant, les codes m'échappant, je ne comprends rien non plus mais cela me semble logique, voire excitant. Mais peut-être que du coup, ce que je raconte, du côté qui est le vôtre, est un peu obscur.
Je ne vous promets pas non plus de cohérence stylistique, de temporalité, de taille, d'humeur ou de contenu. L'Iphone, c'est super, parce que franchement, les cafés internet, c'était une tannée, mais c'est petit et le côté page blanche, nombre de mots etc disparaît un peu. Idem pour les coquilles, il pourra y en avoir, je risque de ne pas me relire avec énormément d'attention.
Tout ceci n'appelle aucune réponse. C'est simplement comme ça, sans but ni esprit de profit comme on dit dans le bouddhisme zen (mushotoku), parce que je vous aime bien.
Par contre, il n'est pas exclu que pendant ces dix semaines, viennent des petits coups de blues. Si j'étais en France, on irait boire une bière mais là, ça risque d'être compliqué. Donc si ça arrive, je vous le dirai, je crierai "Solitude!" et comme vous êtes sympas, vous me direz un petit bonjour, hein...
Bon, tout ceci étant dit, on y va?
... TOUTE MA VIE J'AI RÊVÉ D'AVOIR, D'AVOIR, LES FESSES EN L'AIR...
Dans l'avion, j'aime bien boire du jus de tomate. J'avais pris un bout de gouda à la truffe, un morceau de chèvre sec aussi.
Les jours précédents j'avais mangé de l'Époisse pour dire au revoir à la France. Si seulement elle pouvait se contenter de n'être nauséabonde que pour des raisons fromagères...
Transit à Amsterdam. Des kiosques vendent des tulipes, c'est local. Alors les graines je veux bien, mais les tulipes en fleurs? Elles ont quelle gueule en sortant de l'avion? Les fleurs c'est périssable comme dit l'autre.
J'ai vu passer les petites voiturettes (comme au golf) qui transportent les vieux ou les infirmes d'un terminal à l'autre. Ou les enfants. Je suis déjà venue dans cet aéroport, il y a des années, quand je faisais mes trajets de vacances entre Montréal et Paris. J'étais une UM (unaccompanied minor), ce qui signifie que les hôtesses de l'air sont gentilles, vous donnent des jeux et vous accrochent autour du cou une pochette (bleue avec un corde orange je crois) dans laquelle il y a votre billet et votre passeport; comme un écriteau "je suis un enfant seul". À Amsterdam donc, il y a une pièce pour UM en transit, avec jeux et télé. On m'y a emmenée avec la voiturette. Et j'avais honte, j'étais très fâchée parce que "J'ai l'habitude, je peux me débrouiller toute seule!" Aujourd'hui je prendrais bien la voiturette tiens... Mais il faut croire que je n'avais pas très envie d'être enfant, enfant. Je n'ai jamais voulu aller dans la piscine de balles colorées chez Ikéa et aujourd'hui zut, je n'ai plus le droit. Je détestais aller sous la table pour distribuer les parts de galette des rois et j'avais envie de pleurer si, dans les fêtes, on me mettait à la table des enfants...
La vie est cocasse quand même, parce que depuis que j'ai démarré ma vraie vie d'adulte (celle où l'on travaille, on paie des impôts...) je joue des rôles de petites filles et de petits garçons et ça ne me dérange même pas! Peut-être que je stagne dans une espèce de zone d'ombre de l'âge... De toute façon, je trouve que la séparation à la scie sauteuse que font beaucoup de gens au sujet de l'enfant et de l'adulte est tout sauf subtile et complexe, donc tout sauf réaliste. Comme ces gens qui disent que l'enfance est le plus bel âge de la vie et qu'ils ne voudraient rien tant que la retrouver (pour leur gouverne, quand on dit de quelqu'un qu'il retombe en enfance, ça n'est pas très flatteur). Mais c'est plus facile d'idéaliser une chose à laquelle, fatalement (c'est le cas de le dire), nous n'aurons plus accès, ça permet de se dédouaner de sa platitude actuelle. Moi, j'ai eu une belle enfance et j'en suis très contente mais je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas faire mieux maintenant ou plus tard. C'est comme aussi ce truc, de retrouver son "enfant intérieur"; honnêtement ça ne veut pas dire grand-chose... Alors on vous sort l'exemple du Petit Prince, qui n'a jamais demandé, le pauvre, à être lu de manière aussi niaise. Et puis, si jamais les utopistes de l'enfance lisaient le roman jusqu'au bout, ils verraient que, quand même, il se suicide à la fin...
"Beaucoup de gens se trompent sur les clowns. Ils leur prêtent un corps d'enfant parce qu'ils en ont la douceur."
Peter Hoeg / La Petite Fille Silencieuse
Vidéo des consignes de sécurité de KLM: l'hôtesse filmée à l'air si triste qu'on dirait qu'elle a vraiment perdu sa famille dans un accident d'avion.
Elle devrait écouter cette chanson, Manila de SeelenluftQuelques paroles:
"My plane noise went down,
I heard the pilot call 'regrets',
But the people didn't panic,
They all just stared at me,
And they started to dance,
Without wearing no seatbelts,
We all started to dance,
Without wearing no life vest,
We all started to dance,
It was quiet a ride.
So I started to dance,
Without wearing no seatbelts
So I started to dance,
Without wearing no life vest,
I started to dance..."
JE N'AVAIS RIEN VU D'AU
JE N'AVAIS RIEN VU D'AUSSI HAUT
OH! C'EST HAUT, C'EST HAUT (BANGKOK)
Trajet vers l'hôtel en métro, c'est facile quand on sait comment ça marche, on voit des gens, c'est chouette. En sortant de la station, je ressens les 36• et mes pieds se mettent au rythme local, forcément je me trompe de côté et fais quelques boucles avant d'arriver à destination et ça aussi c'est chouette.
Le kif du bel hôtel à l'atterrissage c'est méga-chouette. Ma chambre est plus grande que mon appartement, avec un balcon, au 20e étage.
Douche. J'avais oublié que dans ce coin du monde, ça ne sert à rien. On sort de l'eau, on se sèche et on redevient moite instantanément. On se sera senti rafraîchi pendant deux minutes. C'est déjà ça.
Je dédaigne le spa prout-prout de l'hôtel et vais faire un massage thaïlandais dans un lieu plus vrai et abordable.
Je retrouve ces grosses artères que l'on traverse par au-dessus en montant des escaliers vers des ponts pour piétons. Mieux vaut ne pas être en fauteuil roulant dans cette ville.
Je retrouve les taxis rose fuchsia et je me demande qui a eu l'idée un jour de faire de Bangkok une ville surchargée de taxis pour Barbie.
Je retrouve les stands de bouffe sur les trottoirs, même en plein quartier des affaires. C'est chouette, c'est chouette, c'est chouette. Je suis très heureuse d'être là.
Re l'hôtel où je boude les tapis de course et les haltères mais pas la piscine ni le hammam ni le sauna (et oui, même l'été ça me plaît).
Au 40e étage, il y a un bar avec vue sur Bangkok à 360•. J'y passe la soirée, j'aime bien. En fait, il y a deux ans j'étais déjà venue dans ce même bar. C'est une sensation particulière là-haut. Évidemment, on ne voit pas d'étoiles mais il y a tant de points lumineux au sol, à perte de vue, que l'on dirait que le monde est simplement à l'envers et que la voie lactée est en bas.
Le lendemain, tranquillou tranquille avant le train qui m'emmènera vers le sud. Je savoure un peu le luxe de la piscine, la volupté de cet environnement mais pas le calme; il y a un groupe de six jeunes anglais, testostéronés à bloc, en vacances, déjà ivres sous le soleil de 14h et suant mais pas l'intelligence (mais peut-être vont-ils se noyer à force de boire?).
Mais en fait c'est pas grave, je m'en fous.
TWIST SNCF
(Salvodor. Je conseille...)
Train de nuit thaïlandais. J'adore! Le moment où les deux sièges face à face sont transformés en couchettes superposées est très impressionnant.
Il y a deux ans j'avais dormi dans un wagon climatisé (plus chic plus cher) et j'avais eu la sensation de passer la nuit dans un camion pour quartiers de viande froide. Là, j'ai pris l'option ventilo, ça fait un peu de bruit mais on ne se cryogénise pas et puis, avant la nuit on peut ouvrir les fenêtres (pour inviter les petites bêtes volantes).
Le wagon restaurant est top, on y mange de la vraie nourriture, vraiment assis avec de la vraie vaisselle et une ambiance sympathique.
Regarder le paysage défiler par la porte ouverte d'un train en Asie est l'un de mes grands plaisir. Ça fait pas du tout la même chose dans le corps que lorsqu'on regarde par la fenêtre, ça sent davantage l'aventure. J'ai fait ça longtemps, en écoutant Le clavier bien tempéré de Bach et le mariage était parfait.
J'ai regardé longtemps un papa qui regardait son fils dormir. Ça m'a rappelé un passage de Saint-Exupéry (mais où?) où il raconte qu'il observe un enfant qui dort dans un wagon de 3e classe, baigné dans la misère; il parle alors d'un "Mozart assassiné"...
Bien sûr il y a eu du retard mais juste une petite heure et en vacances je pardonne à Thaïrailways ce que je ne pardonne pas à la SNCF en travaillant.
TOX OU DÉTOX
13h de train, 1 heure de bus, 2 heures de ferry, un peu d'attente et de moto-taxi en plus et me voilà posée dans un bungalow juste à côté de la mer. Ko Phangan est une île connue pour la Full moon party, une énormissime fête techno, lors de la pleine lune donc. De nombreux panneaux rappellent que la marijuana et les champignons magiques (et le reste ça va?) sont interdits si on veut éviter la case prison (pas trop chouette en Thaïlande je crois). Les magasins vendent des vêtements fluo et comme il fait chaud et qu'on est peu vêtu, lors des fêtes, les gens se badigeonnent en plus de peinture fluo. Mais il serait trop bête de ne faire du fric qu'une fois par mois, donc il y a aussi la Half moon party et la Black moon party. Si je voulais, je pourrais tirer un peu et rester pour une Half moon party ou une Jungle experience party mais ça n'a pas l'air d'être la musique techno que j'aime, ça semble glisser à fond vers la house, et puis le côté peinture fluo, noix de coco, cracheurs de feu et brochettes, je suis pas sûre. D'autant que ça grignoterait sur mon temps en Birmanie. Et d'autant plus que mercredi, je vais me poser dans un temple pour 10 jours de méditation dont sept en silence... Je pense qu'un retour à la civilisation en version tourisme de masse, boule quiès et sueur collante, ça risque d'être un peu violent. Enfin, on ne sait jamais... quel désir m'habitera dans 10 jours? C'est dans longtemps à l'échelle de mon rythme actuel.
Donc voilà, à partir de mercredi, je n'y serai plus pour personne. Le temple a l'air très beau et calme et doux. À cet endroit-là, cette expérience un peu particulière me fait très envie. Un peu de repos (un certaine sorte de repos en tout cas) après cette intense saison, histoire de remettre les pendules de l'esprit à zéro et le compteur du corps à l'heure, c'est bien...
COMING SOON
Et puis comme ça, ça vous laisse dix jours pour lire ce premier chapitre. Et qui sait, peut-être que je n'aurai plus jamais envie de parler après ça (ce qui serait embêtant pour mon métier tout de même) ou alors tout va sortir comme une avalanche et il me faudra passer du mail au livre! D'autant plus qu'il est déconseillé de lire et d'écrire pendant cette période, alors Proust le bavard m'attendra dans mon sac...
Comme vous le voyez, vous êtes tous un peu dans mon petit sac à dos et je pense bien à vous.
J'espère que vous allez bien là où êtes, avec qui vous êtes et faisant ce que vous faites.
Je vous embrasse bien fort.
Valentine