On trotte on trotte on trotte

Chers amis chère famille, voilà de nouveaux bouts de route.

LES FEMMES CUISENT EN PAPILLOTE
Donc suite de l'ailleurs suite des 6 heures de bus.
De nouveau un peu d'océan. Dans l'est cette fois.
Il fait chaud. Très chaud. Ça rend mollasson.
On trouve pour la nuit une petite cabane dans un jardin. La douche est dehors, on a de la pression pour la première fois depuis un moment et le ciel au-dessus de la tête (oui, logique) et c'est pas mal.
À côté, une plage. Très prisée par les sri lankais du coin, petite sensation de plage cannoise ou tropézienne. Sauf que les mecs pataugent en maillot et les femmes restent gentiment voilées sur le sable.  Elles doivent littéralement cuire.
Camille et moi (habillées hein, pas en maillot de bain) faisons au moins l'effet de Joséphine Baker chez les Eskimaux.
En Asie du sud-est au moins, tout le monde reste habillé et tout le monde se baigne. Il y en a même qui font trempette en jeans; j'ai jamais compris, c'est impossible de sécher après. J'y étais allée en pantalon léger et t-shirt et même comme ça la phase de séchage n'est pas des plus agréables.
Il fait trop chaud pour travailler... Je fais la sieste avec Marcel (Proust; j'ai toujours aimé appeler les auteurs par leur petit nom; aucun blasphème, juste une sincère sympathie). Il dit: "Par moments oppressée par l'ennui, une carpe se dressait hors de l'eau dans une aspiration anxieuse."
Soit.
La sieste à ses côtés est un peu triste, l'amour va très mal.
D'ailleurs maintenant c'est fini. C'était une parfaite lecture de voyage. Il y a une telle attention portée à la subtilité des sensations que cela fait écho à ces moments où la plongée dans un univers inconnu affûte les sens. Mais je ne suis pas triste. Il me reste six volumes.
Fin de journée, on a moins l'impression d'être un poulet rôti, on sort.
Autre plage juste à côté. Immense, cocotiers et lumière dorée de fin de journée. Et à peu près personne parce que tout simplement, il y a un peu plus de fond et des vagues, et que comme énormément de gens sur cette planète, les sri lankais pour la plupart ne savent pas nager. Il faut dire que même les petites vagues sont traîtres, elles vrillent et font vite vaciller.
À proximité de ces deux plages, étranges fantômes. Si les stigmates du tsunami ne sont plus trop visibles, un camp militaire jouxte la plage; plus loin, un champ de mine "bien balisé" (dixit le Lonely Planet).

TRAIN-TRAIN TOUJOURS TROP BIEN
Le paysage est aride. Je me sens comme dans un film de l'ouest américain d'un autre temps où les vagabonds sautent de train en train.

CROCODILE DUNDEE DANS LES VIEILLES PIERRES
Polonnaruwa. On arrive dans une guesthouse. Le patron nous accueille avec du gâteau à la noix de coco. Il a tout compris, on l'aime déjà. Et ça n'est qu'un aperçu de la délicieuse cuisine familiale dont nous nous gaverons pendant deux jours. Papi (on a oublié son prénom mais nous le surnommons ainsi, ça lui va bien) est d'une efficacité redoutable. On pose les sacs et hop! nous voici dans une jeep en direction d'un parc national. Notre chauffeur opte pour le package sensation safari sur toute la durée de notre collaboration, il conduit sa jeep Toyota de façon anarchique et houleuse, notamment en faisant une course testostéronée avec un gros camion jaune. Le parc national (ouvert seulement quelques mois dans l'année, pendant la saison sèche) évoque la savane plus que la jungle. On est transporté encore une fois complètement ailleurs. En cette saison, les animaux se regroupent autour d'un grand réservoir naturel où l'herbe abonde. On se retrouve face à une centaine d'éléphants qui broutent tranquillement et consciencieusement  (250kg d'herbe par jour quand même). Ça fait beaucoup d'éléphants d'un coup, c'est très impressionnant. Et puis autour, des buffles, un "bambi" (je l'ai pas vu), un "lézard" vraiment très très gros, pas de léopards (eux ils sont toujours cachés), des singes (eux, ils sont partout) et des tas des tas des tas d'oiseaux. Je ne me suis jamais passionnée pour l'ornithologie mais je vais peut-être changer d'avis. Il y avait des oiseaux magnifiques, de l'aigle à l'ibis au paon au pélican en passant par tous ceux dont j'ignore les noms. Magique. Pour de vrai.
Lendemain, hop hop hop, Papi nous arrange le coup avec un tuk-tuk driver pour visiter les ruines (800 ans) de la cité ancienne de Polonnaruwa. Bon. C'est beau, c'est intéressant mais le lieu n'est pas "magique" "chargé" ou émouvant comme peuvent l'être certains vestiges. En fait, et là je ne veux vraiment vraiment pas être snob, mais je crois qu'après le choc Angkor de l'année dernière, je suis devenue difficile niveau cailloux. Camille ayant vu de superbes lieux en Amérique latine et en Indonésie, on est un peu sur la même longueur d'ondes. C'est vraiment beau, esthétiquement parlant, c'est juste une question d'âme en quelque sorte... Mais on a bien fait ça, un bon six heures de marche (et beaucoup pieds nus sur la pierre brûlante, enlevage de chaussures dans les lieux sacrés oblige) au bout desquelles mes pieds aussi semblaient âgés de plusieurs siècles...

COMPOTE DE FESSES ET LOMBAIRES AU CURRY
Après les maints trajets en tuk-tuk, train, tuk-tuk, bus, tuk-tuk, tuk-tuk, tuk-tuk jeep et bus, on commence à avoir sacrément mal au bas du dos et au haut des fessiers (bref au cul).

ALLER-RETOUR
Mais quand y'en a plus y'en a encore.
Nous sommes à Dambulla, nous cherchons la guesthouse où nous avons réservé une chambre.
Un chauffeur de tuk-tuk nous dit "I know the place."
On grimpe dans son carrosse. On roule. Longtemps. Soit, les villes de campagnes peuvent être très étalées. On roule. Longtemps longtemps. Le chauffeur menteur ne connaît pas du tout "the place". Il demande à des collègues, à des passants; c'est par-là vers la droite. On roule. Longtemps longtemps longtemps. Ça commence à faire loin, on se demande où on va atterrir, quelle guesthouse peut bien se situer en pleine cambrousse. On roule. Longtemps longtemps longtemps longtemps. Il n'y a plus d'asphalte sur la route. Allez, chauffeur menteur, ramène-nous donc en ville, nous ne trouverons jamais "the place". Il s'obstine, demande à d'autres collègues, à d'autres passants; c'est par-là vers la gauche. Allez! chauffeur menteur! on en a marre, hop, demi-tour, maintenant! Il finit par nous écouter. Au fur et à mesure de cette heure et demi de route, on a saisi; en fait, il ne comprend rien, pas juste une question d'anglais, il est simplement con, il est trop fier pour avouer qu'il ne connaissait pas "the place", il a trop d'ego pour reconnaître son échec. On roule. On a roulé. Plus longtemps que longtemps. On se retrouve à notre point de départ.
On souffle un coup, on trouve autre chose, la fin de journée finit bien...
Le bouddhisme inspire toutes sortes de gens, provoque un large spectre d'esthétiques. En bas de la montagne de Dambulla, un bouddha doré de 35 mètres de haut, subliment kitsch. En haut de la montagne, les temples troglodytes. Pour y arriver, une bonne grimpette qui commence par un très grand escalier. Le soleil tape. Les tickets doivent être achetés en bas. On redescend. On remonte. Enfin, les  cinq grottes, quelques 150 statues de Bouddha debout, assis ou étendu de ses quinze mètres de long, des peintures du XIXe sur toutes les parois. Le lieu est vraiment magique, celui-ci a une âme puissante. Les touristes allemands parlent beaucoup trop fort; rien à foutre si ces temples sont des lieux sacrés.

UN KILOMÈTRE À PIED, ÇA USE, ÇA USE, UN KILOMÈTRE À PIED, ÇA USE LES SOULIERS
On est un peu naze. Sans se presser, sans pression, on vient quand même de se taper pas mal de chemin. On était spontanément dans une dynamique plus que dynamique. On va se poser pour somnoler un peu. Nous sommes à Anuradhapura, il y a plein d'activités culturelles que nous avons décidé d'ignorer. Objectif: un petit bout de vacances dans les vacances avant d'attaquer le nord.
D'ailleurs, c'est l'heure de la sieste, je voudrais pas rater ça alors je vous embrasse.
J'espère que vous allez bien en cette saison du rosé et des tomates-mozzarella.

Valentine